mardi 3 avril 2012

INSTITUT CURIE HOPITAL : « AUBERGE CURIE » À L’OCCASION ?

Quelle ne fut ma surprise l’autre jour en pénétrant au service « Oncologie adulte - soins intensifs » situé au premier étage de l’Institut Curie ! Service réservé aux patients fragilisés par la maladie, fatigués, immunodéprimés surtout De ce fait, susceptibles d’attraper n’importe quel virus, n’importe quelle bactérie ou autre saleté. Des mesures sévères d’hygiène y sont de mise. On interdit même d’apporter des fleurs. Non sans raison.
A la place des visions habituelles qui vous affligent, que vous suivez du regard le cœur serré, je devais découvrir une scène insolite qui évoqua à mon esprit l’une de ces ambiances dont Federico Fellini avait le secret ! Les trois petits salons sur lesquels s’ouvre le couloir qui abrite le service en question et qui permettent aux malades de rompre la monotonie de leurs chambres respectives ou de recevoir un familier furent envahis par une bonne trentaine de personnes. Un groupe aussi cohérent que prévoyant à en juger d’après la quantité de victuailles disposées sur les tables basses. Dans leur organisation une seule faille : des chaises pliantes ! L’espace n’étant pas prévu pour des groupes aussi importants, ceux qui ne trouvaient ni siège ni place disponible se sont répandus dans le long couloir qui donne l’accès aux chambres. Répandus en maintenant un fond sonore comparable à celui des auberges, bistros ou restos ! Quid des malades qui cherchaient un réconfort dans le sommeil ? Quid du personnel spécialisé pour qui c’est un lieu de passage permanent ? Quid des brancardiers qui poussent ici des fauteuils et des lits roulants ? Ces questions auraient-elles effleuré l’esprit de nos visiteurs ?
Vers 13h., alors que j’entrai dans ledit service, ils s’affairaient, assis ou debout, mais tous avec le même empressement autour de leurs ripailles. Après tout on est « à l’heure de table », se serait dit dans un accès d’indulgence le visiteur surpris. Loin de se douter qu’il n’était pas au bout de ses surprises et que cette dégustation allait se prolonger au fil des heures pour atteindre l’heure du dîner….
N’étant pas du genre à supporter des abus et encore moins la chienlit, étant par ailleurs du genre qui ne recule devant aucune protestation, je me mis vers 16 heures à faire le siège du bureau réservé à «Monsieur Hygiène » ou, si vous préférez, « Cadre de Santé » en le langage administratif. Au bout d’une bonne heure j’eus la chance de me trouver face à lui. Chance bien méritée que j’ai saisie d’autant plus ardemment pour l’assaillir de questions, pour lui faire comprendre que je cherchais à comprendre…
- Par une journée aussi belle, aussi chaude, le jardin de l’Institut Curie est si agréable, il est jalonné en outre de jolies tables ! Pour quelle raison ces gens restaient-ils entassés dans l’espace exigu d’un service médical ?
Mon interlocuteur sombra dans le mutisme dès cette première question, me lança juste un regard torve .
- L’étalage des bouffes pendant des heures n’est-il pas malvenu dans ce lieu particulièrement protégé ? Une pépinière de microbes …
Même silence mais l’œil un peu plus torve. Point découragée, je poursuivais crescendo.
- Pourquoi tolérez vous cette situation depuis des heures ? Pourquoi ne les avez-vous pas éconduits ou, du moins, orientés vers le jardin ?
Nouveau silence…
- Comment ne pas réagir au festin et au vacarme de toute une tribu dans un cadre hospitalier?
La langue de « Monsieur Hygiène » se délia soudain :
- Ce n’est pas une tribu, Madame, c’est une famille, me rétorqua-t-il sur un ton réprobateur et aux accusations sous-jacentes .
Le racisme ! Béni soit-il ! Voici qu’il lui ouvrait une porte de sortie à cette situation pour le moins embarrassante. Une porte que je refermai aussitôt à l’aide de mes connaissances toutes basiques en matière d’ethnologie :
- Des vastes familles ne sont elles pas à l’origine des tribus ?
Ma question le plongeant à nouveau dans le mutisme je revins à la charge en l’invitant d’aller constater par lui-même l’étalage des ripailles.
Impassible, mon interlocuteur, vissé sur sa chaise, proféra juste en guise de conclusion :
- Cette situation ne se répétera pas demain !
En attendant elle se prolongeait la veille…
L’Institut Curie aurait-il amorcé cette pente douce sur laquelle glisse, je le crains, lentement mais inexorablement, notre pays pour plonger dans les abîmes d’une dégradation générale ?

1 commentaire:

Institut Curie a dit…

Bonjour,
Nous avons lu avec attention votre article de blog et aimerions vous proposer une rencontre afin de mieux comprendre votre ressenti et vos revendications.
Je vous remercie par avance pour votre retour.
Bien cordialement,
Sarah Perrier
webcurie@gmail.com