Le Collège de France, ce prestigieux établissement d'enseignement et de recherche fondé en 1530 par François Ier est l’une de nos fiertés nationales. A juste titre ! Pépinière de la science, unique en son genre, elle vise à rassembler les meilleurs parmi les meilleurs pour y dispenser un enseignement original et de grande qualité, susceptible de trouver l’écho au-delà des frontières.
Les bibliothèques, générale et spécialisées, constituent un autre fleuron du Collège de France. Fermées au grand public, elles offrent un précieux outil de travail aux spécialistes qu’ils soient professeurs, chercheurs ou encore des savants en herbe.
L’excellence et l’unicité de notre noble institution la mettent-elles à l’abri de cette duplicité commune à tant d’autres ? Plus exactement de ces deux faces qui les marquent fâcheusement de leur empreinte. L’une, faste que l’on étale au grand jour, telle une marchandise de qualité dans les jolies devantures. L’autre, moins reluisante, qu’on s’applique à garder secrète, à enfuir dans quelques cavités sans issue.
Qu’on le veuille ou pas, on doit se rendre à l’évidence : le Collège de France n’échappe pas à des revers. Les situations rocambolesques qui se produisent dans l’une de ses bibliothèques suffisent, me semble-t-il, à elles seules, pour en fournir un témoignage sans équivoque.
Quelle bibliothèque, que s’y passe-t-il ? Soyez sans crainte ! Je ne mettrai pas votre curiosité à l’épreuve, de cette histoire qui peut faire pleurer, qui peut faire rire, qui risque d’indigner un Stéphane Hessel, je vais tout vous conter.
Il s’agit de la bibliothèque du Cabinet d’assyriologie qui est gérée, comme il se doit, par le professeur de la discipline concernée, Monsieur Jean-Marie DURAND. Vivant en une sorte de symbiose avec le cabinet dont il a la responsabilité, notre éminent assyriologue aurait-t-il fini par le considérer comme sa propriété privée ou du moins comme un chez soi où l’on agit à sa guise ? Aussi le bureau du professeur se transforme-t-il accessoirement en son fumoir alors que l’accès à la bibliothèque est suspendu à sa bonne volonté.
Plusieurs chercheurs, coutumiers de cette précieuse bibliothèque, se sont vus privés de leur outil de travail. Dans la foulée même un collègue étranger fut frappé d’interdit. Shocking ! devait-il soupirer en se demandant sans doute ce qui se passait dans la tête de ce français.
Légitimes ou pas, les ordres du patron sont les ordres on doit les exécuter. Et, c’est ainsi que des jeunes en charge de la bibliothèque ont dû revêtir - bon gré, mal gré - un rôle comparable à celui des videurs dans les boîtes de nuit.
J’ignore quel pêché avaient commis ces bannis de la bibliothèque. Je sais en revanche quel fut le mien. Incroyable mais vrai… Pour avoir porté plainte contre un jeune protégé de l’éminent professeur lequel avait allègrement puisé dans mes écrits, puisé si allègrement qu’il a introduit des erreurs qui faussent la vérité historique ; pour avoir reproduit aussi mes dessins originaux sans me citer et encore moins remercier je me suis fait mal voir. Un jour, alors que je me mettais au travail, l’un de ces jeunes bibliothécaires et promus désormais « videurs « me demanda, passablement gêné, de ramasser mes papiers et d’aller voir « le professeur ». Ceci pour entendre le digne professeur se livrer à un chantage indigne : si je ne retire pas ma plainte je n’aurai plus le droit de travailler dans la bibliothèque ! N’étant pas du genre à céder aux chantages, j’ai perdu le libre accès à une bibliothèque qui doit son existence à l’agent du contribuable.
Quid des protestations adressées à l’Administrateur du Collège de France, Monsieur Pierre Corvol, par certaines victimes de Jean-Marie Durand dont moi-même? Très gêné, il formula les vœux que les choses s’arrangent… vœux pieux car M. Corvol ne bougea pas de petit doigt pour les arranger ! Pour faire retrouver à ces chercheurs leur outil de travail. Et le statu quo perdure.
Normal ! C’est ainsi au pays nommé France.
Pour moi, une seule consolation, s’il en est : après moult péripéties, l’éditeur du jeune protégé vient d’être condamné pour « violation de mon droit moral ».
samedi 30 avril 2011
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