mercredi 21 novembre 2007

Quand des politiques contribuent à étouffer notre recherche…

La recherche française stagne. On s’en désole. A l’échelle mondiale elle occupe une place peu enviable. On s’en désole. Les meilleurs, les plus compétents bref les vrais chercheurs quittent le pays pour rechercher les conditions meilleures. On s’en désole.
Ceux qui ont le droit à la parole dénoncent le manque de crédit. Ceux qui n’arrivent pas à faire entendre leur voix dénoncent le vrai mal qui ronge notre recherche. A savoir la médiocratie qui la domine et qui l’asphyxie. Ces médiocrates qui se sont hissés aux positions élevées grâce aux manœuvres et magouilles, grâce au soutien de clans et de coteries ou encore à force des poignés syndicales. De ces poignés et de leur efficacité les archives du CNRS en disent long. Bref, ceux qui ont privilégié des réunions en tous genres, manifestations mondaines aux thèmes plus ou moins scientifiques à l’isolement et aux efforts qu’exige toute recherche véritable.
Occupant en conséquence les postes clef plus souvent grâce à des mérites occultes que scientifiques ils supportent mal ceux qui brillent par leurs connaissances. Ils usent et abusent de leur pouvoir pour les écraser, les éloigner. Réaction humaine somme toute ! Les mêmes positions leur donnent accès aux crédits qu’ils utilisent pour la plupart sans avoir à rendre compte et de ce fait souvent à des buts non scientifiques visant à satisfaire leurs intérêts propres ou encore s’acheter une clientèle.
Et lorsque le talent de ces habiles manœuvriers arrive à atteindre des milieux politiques on atteint le paradoxe : ceux qui sont en charge d’administrer le pays prennent, à leur tour, la liberté de freiner la recherche, voire même de sacrifier les intérêts de notre précieux patrimoine. Ce faisant ils n’hésitent pas à outrepasser les obligations que leur impose leur tâche, à faire preuve aussi d’un manque de politesse élémentaire.
Ces deux lettres, adressées respectivement à M. Christian Estrosi et à M. Didier Rochette, son adjoint à la culture, offrent, me semble-t-il, un échantillon sur le vif de cet état de choses.

Le 27 Août 2007






Monsieur Christian ESTROSI
Président du Conseil Général
des Alpes-Maritimes







Monsieur le Président,





En juin 2006, lors de notre bref entretien à l'occasion du vernissage au Musée de Tende, j'ai cru avoir éveillé votre intérêt quant à mes derniers travaux dans la vallée des Merveilles puisque vous aviez alors chargé votre collaborateur, M. Didier Rochette de me recevoir afin d'en discuter plus longuement. Au mois de novembre, je suis donc venue tout exprès de Paris pour le rencontrer. Je lui ai fait part notamment de mes difficultés à financer les analyses tant des pigments prélevés sur les roches ornées que des charbons de bois que j'ai découverts dans leur contexte, indispensables pour permettre enfin une datation du site. M. Rochette avait souhaité que le M. le maire de Tende le contacte, ce qui fut fait dès le lendemain. Il m'avait demandé également de lui fournir des dossiers complets relatifs à mes recherches au Bego et aux découvertes les plus récentes : ils lui ont été envoyés dans la quinzaine qui a suivi. Ces démarches n'ont pas eu la moindre suite, pas même un accusé de réception.

En juin dernier, un nouveau vernissage au même Musée de Tende m'a permis de vous vous informer une fois de plus de mes travaux qui, année après année, confirment mes hypothèses de départ sur l'existence d'un lieu cultuel au cœur des Merveilles. Vous aviez alors paru sensible au fait que, en prenant enfin tout son sens, le site constituait un patrimoine absolument unique. Vous vous étiez alors engagé à relancer M. Rochette et à contacter vous-même M. le Maire de Tende. Rien ne s'en est suivi.

De leur côté, les services du Ministère de la Culture, qui me délivrent chaque année l'autorisation de recherche réglementaire, ont bizarrement choisi d'en ignorer les résultats. M. Xavier Delestre, Conservateur Régional de l'Archéologie de PACA est allé jusqu'à refuser de regarder le matériel lithique que j'ai recueilli lorsqu'il lui a été apporté à l'occasion de sa venue à Sophia Antipolis, en septembre 2006. Ce matériel, prudemment gardé en mairie de Tende, est pourtant le premier et le seul à ce jour trouvé au Mont Bégo.

Je ne reviendrai pas sur les menaces qui pèsent sur ce patrimoine, entre autres les actes de malveillance qui m'ont amené à déposer plainte ; la deuxième affaire, correspondant à une nouvelle vague de vandalisme, étant toujours en suspens au Parquet de Nice. Je me bornerai de rappeller ici les préconisations de Jean-Claude Bessac, chercheur incontesté et incontestable au C.N.R.S. Venu sur le site en 2004 pour examiner certains aspects de mes travaux en tant que spécialiste du travail de la pierre, son rapport scientifique se termine par les phrases suivantes: "J'attire donc l'attention des autorités locales et régionales sur l'intérêt scientifique de cet ensemble qu'il faut protéger par tous les dispositifs juridiques et pratiques prévus à cet effet dans le périmètre du parc national quitte à élargir un peu la zone de protection si nécessaire."

Bien évidemment je ne saurais me résigner à ce constat de carence des pouvoirs publics, qu'ils soient politiques ou administratifs, à l'égard d'un site de cette importance. Situation pour le moins étrange qui attire l’intérêt de nombreux amateurs du site. Aussi, je prends la liberté de reproduire cette missive sur mon site internet (www.emiliamasson.com).

Je vous prie de trouver ici, Monsieur le Président, mes salutations les meilleures
Emilia Masson
LETTRE DEMEURÉE SANS RÉPONSE JUSQU' CE JOUR

Emilia Masson Le 18 novembre 2007
18, rue Nansouty
75014 – Paris
e-mail : bebili@club-internet.fr





Monsieur Didier Rochette
Sous-directeur de la Culture
Conseil Général des Alpes-Maritimes




Monsieur,

Il y a exactement un an que j’ai eu le plaisir de vous rencontrer à Nice. Plus exactement que j’ai fait le déplacement de Paris dans l’espoir d’envisager avec vous des solutions pour les découvertes réalisées au cours de mes recherches les plus récentes sur le site du mont Bego.
Vous m’aviez demandé alors de vous faire parvenir des documents (textes et illustrations) relatifs à ces découvertes afin d’en gagner une idée plus précise. Ce fut fait dans les plus brefs délais. Dans le même but, vous avez souhaité que M. le Maire de Tende vous contacte. Il l’avait fait dès le lendemain de notre entrevue.

Le silence que vous observez depuis soulève des interrogations. Que c’est-il passé avec mes six dossiers si soigneusement préparés ? Se seraient-ils perdus dans les méandres du Conseil Génaral ? Ou bien, plus simplement, vous n’auriez pas jugé nécessaire d’en accuser la réception et encore moins de les examiner. Comment ne pas vous cacher que votre attitude pour le moins désinvolte à l’égard d’un précieux patrimoine et cavalière à l’égard d’un chercheur me laissent perplexe.
Une troisième solution serait désormais à envisager aussi : mes dossiers seraient-ils allés là où il ne fallait pas, à savoir chez ceux qui ne cherchent qu’à les piller tout en me critiquant ? La récente appropriation de l’une de mes découvertes, que j’ai pris la précaution de déposer en son temps chez un huissier, permet en effet de se poser cette question. Précaution qui à présent me permet de porter plainte en bonne et due forme.

En attendant je vous somme de me restituer dans les plus brefs délais les dossiers que je vous ai fait parvenir il y a exactement un an.
Merci par avance de bien vouloir manifester un minimum de conscience professionnelle et de politesse en me retournant ces dossiers.

Avec mes salutations les meilleures
Emilia Masson


Copie à M. le Procureur Eric de Montgolfier

jeudi 8 novembre 2007

Quand la justice immanente tend la main à la Justice face à Henry de Lumley

Les 22, 23 et 24 octobre dernier la 31e chambre du Tribunal correctionnel de Paris avait servi de cadre à un procès peu commun.
A 13 heures 30, la Présidente du tribunal, mme Christine Servella-Huertas, fit résonner sa voix autoritaire : « Que les prévenus viennent devant ». Flanqués de leurs avocats. Un groupe pour le moins hétérogène de neuf personnes s’avança. Une dixième, le muséologue Huber Bari, demeure à l’arrière : faute de place.
En tête, Henry de Lumley, paléontologue de renom, membre correspondant de l’Institut, ancien directeur du Muséum national d’histoire naturelle. A ses côtés, deux ex-employés du Muséum, par rapport à lui de grade plutôt subalterne : Marie-Christine Kronefeld, ancien chef de la division des affaires intérieures et des marchés, et Philippe Marson, ex-responsable du service bâtiment et sécurité de la grande galerie de l'Evolution à Paris. Les six autres sont des entrepreneurs, impliqués dans les travaux au Muséum et soupçonnés d’avoir bénéficié de « marchés frauduleux » grâce au « favoritisme » du directeur et de ses deux collaborateurs. Un directeur qui clame son innocence : son prétendu « favoritisme » résultait juste d’une mégarde : il posait sa signature sur des dossiers sans les lire…
Les bancs réservés au public sont à peine occupés. Des journalistes surtout. Le correspondant de Nice-Matin brille, quant à lui, par son absence. Sans surprise ! Dans les Alpes-Maritimes Henry de Lumley est un grand homme et en tant que tel doit passer pour un homme irréprochable. Savant vénéré … par des politiques locaux au premier chef.
Ni amis, ni frères supporters, ni ennemis, ni adversaires, ni collègues. Une même pudeur aurait-elle paralysé tout ceux qui côtoient Henry de Lumley depuis des lustres ?
Pour ma part, j’ai fait le déplacement. A titre de victime. L’une de ces innombrables victimes que Henry de Lumley a écrasée ou cherché à écraser en usant et abusant de sa puissance. Victimes, car ayant eu la malchance de se trouver sur son chemin … de manière gênante.
Je suivais le procès un peu à la manière d’un spectacle. Voir cet homme altier et dédaigneux tassé sur le banc des prévenus, logé à la même enseigne que ses co-prévenus qu’il devait juger si inférieurs à son rang. L’humilité étant de rigueur, c’est tel un écolier obéissant face à son maître, qu’il se levait à chaque fois où la Présidente du tribunal prononçait la phrase consacrée: M. de Lumley, levez-vous !
Le procès connut le moment fort lorsque la Présidente donna lecture du témoignage de Renée Debar, l’ex-secrétaire générale du Muséum, qui avait averti son directeur, par écrit et oralement, de ne pas apposer sa signature sur des dossiers qui ne lui paraissaient pas conformes. Même plus : elle a osé le mettre en garde qu’il risquait des ennuis. Acte de courage, il lui aurait valu cette riposte : « Je ne crains rien car je suis au-dessus des lois ».
J’ai cru rêver. Voici que la justice immanente vient frapper par le biais de la Justice ! Henry de Lumley, dont l’assurance et l’audace coutumières laissaient en effet apparaître qu’il se sentait au-dessus des lois, se tassa un peu plus sur son banc. Comme atteint par les foudres décochées par cette justice qui nous échappe mais qui arrive si opportunément à nous réfléchir l’image de notre propre condescendance, Henry de Lumley se garda bien de protester … Son avocat observa le même silence.
Le jour suivant, dans son réquisitoire, Mme la Procureur donna à nouveau lecture de témoignage « au-dessus des lois » mais tout en temporisant qu’il n’y avait pas d’enrichissement personnel…
Des ignorants comme moi se demanderont quelle fut la raison d’être de ces « arrangements », de ces « fractionnements » évitant des appels d’offres ainsi que des publications dans le Journal officiel de l’union européenne qui ont abouti à un procès de trois jours…
Condamné ou acquitté, c’est peut-être secondaire. L’essentiel n’était-ce pas le vécu de ce procès où l’on était gagné par l’impression que la justice immanente avait revêtu la peau d’âne afin de lancer l’une de ces ruades dont ces onagres ont le secret ?