dimanche 14 novembre 2010

A Veules-les-Roses : phénomènes climatiques étranges

On croit que la vie est morne dans les petits villages, qu’il ne s’y passe rien. Et bien c’est un tort ! A chaque village son lot d’événements plus ou moins apparents, plus ou moins feutrés, plus ou moins palpitants, etc. Comme on dirait en bon frananglais le happening y est permanent. Il dissipe ainsi la monotonie qui plane tel un nuage chargé de pluie et fournit matière à une chronique au quotidien, sinon à des chroniques hebdomadaire, mensuelle, annuelle et même séculaire. Il fait jaillir même une source inspiratrice à des romans.
Le village de Veules-les-Roses échappe-t-il à cet état de choses ? Oh, que non ! La Veules, ce plus court fleuve de France qui traverse la petite cité ornée de roses, charrie ainsi des histoires recueillies tout au long de son fil. Cours rapide qui se hâte de confier ses secrets aux vastes eaux de la mer. De les y noyer comme en guise de purification.
Au sein de la panoplie d’affaires qui se déchargent dans la Veules en voici une, peu commune car échappant à toute explication logique! Elle taraude mon esprit. Et comme tout ce qui dépasse la raison elle revêt un aspect surnaturel. Il s’agit d’un phénomène climatique pour le moins étrange car jusqu’à présent jamais enregistré parmi les fâcheuses conséquences du réchauffement de notre planète. Des tornades aussi intenses que limitées dans l’espace : c’est dans le périmètre de ma maison qu’elles viennent manifester leurs pulsions dévastatrices. Tornades si l’on peut dire délicatement programmées car prenant la précaution de se produire en mon absence ! Tornades fidèles à elles-mêmes aussi car visant en priorité la même cible !
De quelle cible s’agit-il ? Révélons la de suite afin d‘épargner une peine perdue à ceux qui voudraient jouer à la devinette. C’est une affiche plastifiée, fixée à l’aide de nombreuses punaises sur mon petit cabanon en bois. Fixée de manière à se présenter au regard de ceux qui passent…
Que raconte cette affiche ? Une histoire insolite qui, elle, ne relève pas de phénomènes climatiques mais échappe, de son côté, sinon à la raison du moins à la logique ! C’est le récit de mon cabanon devenu « objet du délit » digne d’une procédure pénale ! Saga inespérée pour un simple abri de jardin (185cm x 250cm), désormais fier de l’arborer. Car il est venu tout modestement remplacer à l’identique et au même endroit celui installé jadis par mon prédécesseur et se transformant dangereusement en ruine. Mais voici qu’à peine installé, notre cabanon, reluisant neuf, se mit à « boucher l’horizon » à M. Patrice Pusateri, architecte des Bâtiments de France qui l’honora de sa visite. Pas pour l’admirer mais pour évaluer ses dimensions. C’est au crépuscule d’une journée du mois de novembre et … en mon absence que l’architecte assermenté se livra à cette tâche délicate. A l’aide, sans doute d’un instrument très spécifique car il tripla son volume et le promut en « chalet ». Belle promotion pour le cabanon mais encombrante pour moi : elle imposait un permis de construire…
L’affaire prenant une ampleur surdimensionnée, la Gendarmerie dépêcha l’un de ses agents pour « procéder à des constatations ». Et notre gendarme procéda, en mon absence lui aussi, et constata que l’abri-chalet mesurait « environ 4 m x 3 m ». On aimerait savoir que signifie ce « environ » dans le langage d’un gendarme dont la précision devrait être le premier credo ?
Devenue grave, l’affaire de mon cabanon, désormais chalet, a abouti inévitablement sur le bureau de M. le Maire. Talentueux forgeron d’art, M. Jean-Claude Claire venait d’encadrer mon jardin d’une jolie clôture, réplique presque fidèle de son original. Encadrer aussi le cabanon dont il connaissait mieux que quiconque la vraie dimension. Les démesures de nos deux assermentés auraient-elles échappé à la vigilance de son regard ?
Comment ne pas s’étonner face au curieux point commun qui se dégage entre ces tornades veulaises et nos mesureurs patentés ? Les deux interviennent en mon absence.
Alors que je cherchais vainement une explication à cet état de choses, Maupassant me chuchota à l’oreille : « Nous sommes au Pays de Caux ».

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