lundi 23 janvier 2017

Collège de France : serait il en proie à la mégalomanie?



Voici la question que se posent des gens sensés et surtout des usagers lésés ! Le vent de la démesure s’est-il engouffré dans les méandres de la  prestigieuse institution au point d’y balayer la raison pour n’y épargner que la déraison ? En ligne de mire de cet état de choses, le site Cardinal Lemoine, sis au 52 rue du Cardinal Lemoine.

Affectés au Collège de France en 1979, ces locaux qui abritaient l’ancienne Ecole Polytechnique, deviennent opérationnels au tournant du siècle, c’est à dire il y à peine 17 ans. Suite à des aménagements et adaptations qui s’imposaient quatorze bibliothèques spécialisées, relevant de lettres et de sciences humaines y sont installées. Riches en livres rares et parfois même uniques au monde. Chacune dans un cadre idoine, chacune associée au siège des équipes concernées ou encore à des cabinets de professeurs: Anthropologie sociale, Extrême-Orient, Monde méditerranéen ancien, médiéval et moderne, Proche-Orient ancien (Egyptologie, Assyriologie, Etude Sémitiques), Byzance, etc.
Tout dans ces salles de lecture aussi spacieuses que lumineuses était conçu pour favoriser le travail : de larges tables blanches pourvues de postes informatiques et d’accès au WIFI, des rayonnages agencés de manière à faciliter aux lecteurs un accès direct aux livres.




Bibliothèque du Cabinet d'Etudes sémitiques














Pour beaucoup d’entre nous ces bibliothèques où le confort s’associait à une ambiance plaisante sont devenues comme une seconde maison. Une maison d’autant plus accueillante pour des chercheurs avérés qui avaient la possibilité d’y prolonger les soirées ou encore d’y travailler en fin de  semaine. Avantage rare au pays nommé France où les bibliothèques obéissent pour la plupart au rythme de fonctionnaires, en respectant la fermeture à 18 heures les jours ouvrables et la fermeture totale en fin de semaine.
Et les lecteurs  plus jeunes ? Ces savants en herbe, en général logés à l’étroit et n’ayant pas encore acquis un brin de bibliothèque personnelle, ont trouvé dans ces salles de lecture un refuge doublement salutaire.
Lieux de recherche, lieux de rencontres également, de concertations, d’échanges fructueux. On butait sur un problème, on cherchait des réponses à des interrogations, une solution à des doutes on faisait appel à des collègues.

En 2015 des rumeurs alarmantes commencèrent à se propager dans ces havres de paix du site Cardinal Lemoine. Des travaux de grande envergure, de caractère « pharaonique » étaient en projet. Rumeurs pas vraiment prises au sérieux, ces locaux restaurés il y a à peine deux décennies nous paraissant parfaitement adaptés. Certes, des petites retouches par ci, par là étaient nécessaires (moquette ou habillage des ascenseurs) mais loin de justifier des modifications du fond en comble.
Et puis aurait-on l’idée de se livrer à des gaspillages en cette période de précarité ? Où l’Hexagone n’échappe pas à la crise ? Au point que même des institutions importantes comme la Justice ne disposent pas de moyens pour acquérir des fournitures de base, où le manque de crédits mène à la fermeture de certains centres de soins. Sans oublier que de plus en plus de Français ont du mal à joindre les deux bouts ? Ces raisonnements relevant du bon sens élémentaire nous rassuraient.
Au fil des mois nous devions réaliser - à nos dépens - que le bon sens n’était pas toujours de mise ! Les rumeurs se confirmaient, se transformaient en réalité ! Prenaient corps progressivement. Des bâtiments du site Cardinal Lemoine feront bel et bien l’objet de modifications grandioses. Tout y passera, le bruit court que même l’imposant escalier qui dessert les cinq étages ne sera pas épargné : détruit pour être reconstruit en dimensions réduites afin de gagner quelques mètres ou centimètres carrés!
Sur le site du Collège de France, on privilégie le flou quant à ces travaux : «Le site Cardinal Lemoine nécessite une restructuration profonde. Les bâtiments qui abritent bibliothèques et équipes de recherche n’ont pas été rénovés depuis plusieurs années [à comprendre depuis moins de vingt ans !], et n’offrent plus les conditions adaptées pour le déroulement des activités ». On annonce néanmoins que le coût de ce projet s’élève à 30 millions d’euros, « 22 millions d’euros ont déjà été réunis sur des fonds publics, l’objectif de collecte à 4 ans est ainsi de 8 millions d’euros ». Mais en se gardant bien de faire miroiter à des mécènes éventuels le caractère indispensable de telles "restructurations" !
Dans un premier temps la durée des travaux fut évaluée à deux ans. Erreur de calcul ou hypocrisie calculée ? Toujours est-il qu’un laps de trois ans se profila rapidement sur l’horizon ! Trois ans ou le temps d’une génération d’étudiants… Discrétion à ce sujet sur le site du Collège de France !

Obnubilés par ce qui semble fleurer une folie des grandeurs, les initiateurs de ce projet seraient ils préoccupés par l’infortune de la pléthore d’usagers des 14 bibliothèques ? Impuissants, hébétés nous assistions  en printemps 2016 au déménagement de leurs fonds aussi riches que précieux. Entreprise titanesque au spectacle dantesque visant à les éparpiller dans des salles de lectures diverses et variés, plus ou moins accessibles, ou encore à les faire croupir dans des dépôts fermés à triple tour.

Voici qui ne risque pas  de favoriser le classement de la recherche française à l’échelle mondiale…