mercredi 24 août 2011

HENRY DE LUMLEY : CHUTE MORTELLE D’UNE ARCHÉOLOGUE-STAGIAIRE DANS LA VALLÉE DES MERVEILLES, « FATALITÉ » PREVISIBLE – IGNOMINIE SANS LIMITES ?



Dans mon livre Vallée des Merveilles, cimes et abîmes d’une recherche paru en 2002 on pourra lire un chapitre bref (pp. 46-48) « Des ‘archéos’ pas comme les autres ». J’y faisais part de mon étonnement face au désordre et activités à tout va de la jeune équipe dirigée officiellement par Henry de Lumley. Observations qui datent de ma première visite sur le site, soit en 1991. J’y écrivais notamment :
« Tout en poursuivant mes examens, j’observais du coin de l’œil les activités de l’équipe, dite des « archéos », dont la tâche consistait à repérer et à relever les gravures.… Ni dirigés, ni coordonnés ces jeunes gens tourbillonnaient au gré, me semblait-il, de l’inspiration du moment. Face à cette situation peu conforme aux règles de l’art, je m’ouvrais de ma surprise à Odile (Odile Romain à présent l’une des principales collaboratrices de M. de Lumley).
— C’est ainsi, répondit-elle, M. de Lumley ne dirige jamais nos campagnes.
— A-t-il établi au moins un programme du repérage et des relevés ?
— Non plus ! reprit-elle de plus en plus laconique.
— Mais comment procède-t-il ? La responsabilité, étant donné l’importance de ce site protohistorique ?
— Il délègue car il est trop occupé. Actuellement il fait un voyage officiel en Asie du sud est avec toute sa famille.
— Ah bon ! Mais il délègue comment ?
— En tant que responsable du Laboratoire du Lazaret, c’est Annie Échassoux qui est chargée de superviser les travaux de l’équipe, expliqua Odile. Mais comme elle est peu attirée par le site elle délègue à son tour…

[Voici qui  m’évoquait le principe du dicton serbe : J’ordonne au chien, le chien ordonne à la queue, la queue au poil et le poil se mit à pleurer.]

« Au terme de cette conversation je crus comprendre que ce sanctuaire à ciel ouvert était devenu pour Henry de Lumley un salon à ciel ouvert. Un lieu propice au plan de carrière, endroit décalé où il recevait des collègues éminents, des notables régionaux et nationaux et, bien sûr, des journalistes. Un peu plus tard je devais comprendre que les agapes offertes en août 1991 à Paul Germain, alors secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, demeuraient gravées dans les mémoires. Les libations de champagne, étaient-elles versées au pied du Bego, pour ouvrir à Henry de Lumley l’accès à l’immortalité »

A ces observations l’intéressé ne manifesta aucune réaction, aucune protestation. Comme dirait le bon peuple, qui ne dit rien consent…

À la lumière de l’accident tragique qui vient de coûter la vie à une stagiaire de 19 ans appartenant à l’équipe des « archéos » ces propos revêtent comme un caractère prophétique. Car les circonstances évoquées dans mon livre laissent penser que loin d’être une « fatalité », ce drame était en quelque sorte prévisible. Plus même, on doit à un coup de chance que d’autres ne l’aient pas précédé.

Que c’est-il passé en cette journée funeste du lundi,18 juillet dernier ? Arrivée par hasard à Tende le jour suivant – hasard qui vient s’ajouter à tous ces autres qui jalonnent depuis le début mes aventures et mésaventures au Mont Bego – et qui ne se produisent, comme je l’ai déjà constaté (Cimes et abîmes, p. 13-4) jamais sans raison. Jamais au hasard pour ainsi dire. Cette fois-ci, le hasard a-t-il cherché à faire de moi un témoin véridique de ce drame sur lequel on s’est empressé à jeter le voile ? Il m’évoqua d’emblée le courroux des divinités grecques face à l’hybris des mortels… Un drame si dramatique qu’il a fait sauter aussi le couvercle bien verrouillé de la boîte de Pandore… Celle du Mont Bego.

Voyons le film des événements :

Fidèle à lui-même, notre cher Henry est monté aux Merveilles ce lundi matin, avec une escorte de notables dont un ministre. Trois véhicules 4x4 furent affrétés pour l’occasion. Respectant les traditions désormais ancrées, des agapes furent servies auprès de l’imposante roche dite de l’Autel. Les jeunes stagiaires bénévoles, chargés à effectuer dans cette zone des relevés ou, plus exactement, à vérifier ou revérifier pour la énième fois, ceux effectués au cours des dernières décennies entouraient de près ou de loin la respectable compagnie. Aussitôt après le repas, notre ponte s’empressa à quitter les Merveilles. Normal ! À Tautavel, de grandes « festivités » commençaient dès mardi : une commémoration somptueuse du 40e anniversaire de la découverte du fameux crâne qui devait se prolonger pendant plusieurs jours ! Une sorte d’apothéose pour notre découvreur ou présumé tel qui aura coûté, une fois de plus cher au contribuable . Faut-il croire que, seule, la presse attribue au grand Henry le mérite de diriger et de « superviser » directement les activités de son équipe ? Ainsi en dernier la journaliste Sophie Cachon, (Télérama du 13 juillet 2011) qui, loin d’ignorer la réalité ambiante aux Merveilles, n’hésite pas à affirmer en son âme et inconscience : « A 77 ans, l’ex-grand patron du Muséum… continue à se rendre chaque été dans les alpages, où il supervise les équipes d’étudiants qui effectuent les relevés sous sa direction depuis … 1976. »
Un hélicoptère de secouristes survola le crâne, non pas celui de Tautavel, mais celui du patron de la fouille alors qu’il s’apprêtait à monter dans le 4x4. Voyant l’hélicoptère se diriger vers la zone où son équipe était à l’œuvre il chercha à savoir ce qui s’est passé et si la victime éventuelle n’appartenait pas à son équipe. Inquiétude justifiée mais qui ne tempéra pas sa hâte de quitter le site ! Un accident possible chez ses « archéos », le futur fêtard n’en avait pas cure ! Était-il préoccupé de regagner au plus vite Tautavel et le beau monde convié à ces festivités au point de ne pas patienter, de quitter le site sans savoir ce qui se produisait près de la roche de l’Autel ?
Hâte inadmissible, mais hâte vaine. Car, directeur officiel de cette équipe et de ce fait son responsable légal, Henry de Lumley fut retenu par la gendarmerie de Tende : la malheureuse victime faisait en effet partie de ses archéologues en herbe.
Que c’est-il passé au juste ? La stagiaire de 19 était pourtant rompue aux escalades de montagnes. Pour quelle raison trébucha-t-elle dans la vire d’une roche semi inclinée, haute d’environ 8 mètres, et tomba la tête en avant ? Conséquence fatale : son crâne fut fracassé. Fracassé aussi le couvercle de la boîte de Pandore…Celle qui renfermait depuis des décennies tous les manquements aux règlements qui s’imposent pour un chantier de fouilles et en particulier du plan de prévention de sécurité et des risques (PPSR).
Ses compagnons d’infortune se mirent aussitôt à crier, à appeler au secours. Certains randonneurs attribuèrent leurs cris à un festin de jeunes. Pas surprenant ! Comment imaginer que nos archéos, dépourvus d’appareil permettant les appels d’urgence, pourtant imposé par le règlement sur des sites comme celui des Merveilles, se sont vus obligés de recourir aux procédés de leurs ancêtres préhistoriques ? Perte de temps dans une circonstance où chaque minute compte. Un garde du Parc, se trouvant fort heureusement à une distance d’environ 500 mètres s’est dépêché en direction des cris. Distance infime en soi, mais qui prend de la longueur sur un terrain accidenté et retarde ainsi les secours.
La configuration de l’endroit où cet accident a eu lieu exigeait, selon les règlements relatifs aux précautions de risques, d’être cordés et de porter le casque. La manière dont la chute de la jeune stagiaire s’est produite donne grandement raison à cette mesure de sécurité. Tout archéologue initié aux recherches sur des terrains accidentés reste sur une certitude : cordée et munie de casque elle aurait sans doute échappé à son terrible sort.

Il appartiendra aux gendarmes de Menton, venus immédiatement sur place pour faire les premiers constats, de déterminer les circonstances exactes de cette chute mortelle. Pour le moment leurs constats sont gardés secrets. Il est à espérer que les gendarmes en question ne connaîtront pas le même sort que leur collègue Claude Dona ! Gendarme-achéologue, ce dernier avait établi en 2001 avec conscience qui se doit et en connaissance de cause le rapport démontrant sans équivoque une nouvelle vague de vandalismes commis dans la faille-grotte de la Cime des lacs ainsi qu’un remue-ménage à son intérieur qui suggérait des fouilles illicites. Ce document important est resté lettre morte, enfoui dans un recoin du Palais de justice de Nice. Il a eu une seule conséquence immédiate : la mutation de Claude Dona.
Mutation, manière efficace pour réduire au mutisme !
Quant au rapport des gendarmes de Menton souhaitons qu’il ne prenne pas à son tour le chemin des oubliettes du Palais de justice de Nice.

Et le grand chef, qu’a-t-il fait ? Certes, cette chute qui fracassa le crâne d’une victime innocente la veille même de son « apothéose crânienne » tombait au plus mauvais moment ! Elle ne l’a quand même pas empêché de se diriger vers de Tautavel aussi rapidement que possible, d’abandonner son équipe en désarroi, au sein d’une vallée où se propageait l’ambiance pesante. Le Conseil Général chercha-t-il à combler son absence en dépêchant aux Merveilles une spécialiste en matière du soutien psychologique ?
Il y a pire ! Inimaginable même ! Notre cher Henry n’a même pas jugé opportun d’accueillir la mère de la victime, de lui exprimer directement ses condoléances, de la réconforter dans sa douleur. Bref, de l’entourer comme il se doit. Après avoir vu le corps de sa fille à Nice, la pauvre dame est montée en train à Tende pour les besoins de l’enquête. Faut-il reconnaître quand même à ce cher Henry un geste « délicat » : à la mère endeuillée il a offert (sans doute pas de sa poche) un dîner et une nuit à l’hôtel Le Prieuré à St. Dalmas de Tende !

Ce drame soulève dès à présent deux questions d’ordre administratif :
Henry de Lumley a-t-il, il signé l’engagement de respecter toutes les règles de sécurité et de l’hygiène qui s’imposent. Genre de document pour lequel toutes les DRAC se montrent, avec raison, particulièrement exigeantes.
Se sachant absent la plupart du temps, Henry de Lumley a-t-il, désigné il par écrit avant le début des travaux ceux qui doivent le remplacer dans sa charge de directeur ?
Lorsqu’on connaît les libertés que s’octroie notre grand homme, fort de ses soutiens, lorsqu’on sait qu’il n’hésite pas à déclarer urbi et orbi qu’il ne risque jamais rien car étant « au-dessus des lois » (voir à ce sujet la note sur ce blog en date du 8 novembre 2007, intitulée « Quand la justice immanente tend la main à la Justice face à Henry de Lumley ») et sans doute aussi au-dessus des règlements auxquels sont soumis tous les travaux publics, les fouilles archéologiques comprises. Lorsqu’on sait par ailleurs que les apparatchiks de nos administrations le traitent avec cette déférence que l’on réserve dans notre pays aux hommes considérés au-dessus de tout, on est amené à se demander dans quelle mesure il est en règle avec les exigences imposées aux directeurs de fouilles.
Pour ma part, en vingt ans je n’ai jamais vu un seul casque sur les têtes des « archéos » de Henry de Lumley !

Le dimanche, 24 juillet, je suis montée aux Merveilles. Le hasard, encore un, me fit croiser à l’entrée du site une dizaine de jeunes stagiaires qui amorçaient la descente. Leur marche à la queue leu leu, me permettait d’observer le visage de chacun : une série de visages hagards, de regards perdus, fixant le vide qui hantent depuis mon esprit et mes nuits.

Et Henry, le courageux ? Jusqu’au 26 juillet, date à laquelle j’ai quitté la région, il n’est pas réapparu sur les lieux. Redoute-t-il de frôler le placard du Mont Bego, placard déjà peuplé de cadavres, qui vient de s’alourdir d’un nouveau, cette fois-ci au propre et au figuré ?

lundi 1 août 2011

NICE MATIN : JUSQU’OÙ IRA LA COMPLAISANCE ?

Il y a peu, Nice Matin consacrait une page entière, illustration en couleur à l’appui, à un homme qui est tombé de son balcon dans un état d’ébriété avancée. Chute qui ne semble pas lui avoir coûté la vie.
Voici qui rend d’autant plus choquante la brève notice parue dans Nice Matin le 19 Juillet 2011 consacrée à la chute mortelle d’une innocente archéologue stagiaire de 19 ans ! Chute survenue alors qu’effectuaient des relevés dans la Vallée des Merveilles dans le cadre de l’équipe officiellement dirigée par Henry de Lumley.
La rédaction de cette notice bien discrète, signée J.-F. Malatesta (nom à propos !) s’évertue dans un floue peu artistique mais en tout cas bien ciblé et qui n’hésite pas à fausser certains faits afin de présenter aux lecteurs une version « arrangée » de ce sombre accident qui n’aurait pas du avoir lieu. Rédaction sur ordre ?
Si le lecteur non averti restera sur l’impression qu’on a voulu lui donner, le lecteur avisé en revanche et quelque peu initié aux chantiers de fouilles et aux règlements qui les gouvernent dénichera dans ce texte une série d’informations bien éloquentes.
Commençons par le début, par le titre « Une jeune archéologue chute et se tue ». Titre ambigu montrant d’emblée le manque de respect pour cette victime innocente qui va jusqu’à lui faire perdre son identité ! À aucun moment, son nom n’est cité. Je rassure vos lecteurs, elle a bel et bien un prénom et un nom, je vous l’apprends : elle s’appelle Aurélie Etienne, comme le précise le journal L’Alsace du 24 juillet 2011. Journal qui a pour unique source de (dés)information la notice de Nice Matin. Car même si la presse de France et de Navarre s’est intéressée à cet événement malheureux aucune ne semble avoir réussi à dénicher des informations nécessaires pour le répercuter.
L’événement serait-il placé immédiatement sous le sigle « secret défense » ?
Pourquoi l’omission du nom de la victime ? Omission trop surprenante pour être attribuée à un simple oubli, voire pour paraître anodine. À chacun de faire des hypothèses, pour ma part, j’ai la mienne…
Analysons la suite :
« a perdu la vie … dans une chute à la Roche de l’Autel ». Faux, elle a chuté depuis la vire d’une roche qui se dresse à côté de celle dite de l’Autel et d’une hauteur d’environ de 8 mètres !
« …travaux d’archéologie sous la direction du professeur Henry de Lumley qui s’est rendu sur site (sic !) hier soir » c’est-à-dire le jour même de l’accident. Information sans doute volontairement erronée afin de mettre en évidence le dévouement du professeur de Lumley ! Reprécisons ce qui est indiqué déjà sur mon blog : notre professeur avait guidé ce matin même aux Merveilles un groupe de notables et a quitté le site alors que la malheureuse stagiaire se mourait, quitté car pressé de rejoindre les « festivités » de Tautavel. Depuis on ne l’a plus revu sur le site…
« Le groupe a quitté un sentier balisé pour emprunter un chemin praticable. » Voici une information fausse mais parfaitement calculée et révélatrice. Si elle risque de surprendre les familiers de cette zone du site qui se demanderont où se trouve le dit « chemin praticable », elle sera en revanche éloquente pour les initiés des chantiers archéologiques et des règlements qui leur sont imposés. Voici qu’on arrive, si j’ose dire à l’essentiel, au point délicat…
Dans le jargon archéologique, le « chemin praticable » est un terme technique qui désigne en effet les passages ou les endroits où le port de casque le cordage ne sont pas indispensables. Or, la nature même de cette chute mortelle contredit de manière flagrante l’affirmation du journaliste et confirme qu’à l’endroit où elle s’est produite le port de casque était bel et bien obligatoire ; le cordage aussi! On peut tomber, certes, sur un chemin praticable, se tordre la cheville, se fouler le genou mais s’y fracturer le crâne, voici qui paraît un peu étrange. Depuis vingt ans que je sillonne les sentiers et les drailles du Mont Bego je connais aussi un chapitre sur les diverses chutes.
Cette information, fausse à dessein, a généré dans la région la version de la « fatalité », car, précise notre journaliste « c’est à cet endroit que le sol se serait dérobé sous les pieds de la malheureuse victime » . Un sol qui se dérobe par une journée de beau temps, n’est-ce pas curieux ?
L’emploi de ce terme technique qui vise sans doute à masquer le non-respect des mesures de sécurité, laisse présager que le journaliste aurait pu se faire instruire par des fins connaisseurs afin de suggérer au mieux la décharge de responsabilité.
Il existe plusieurs témoins de cette chute mortelle. Si Nice Matin obtient la liberté d’informer correctement ses lecteurs, il n’a qu’à se mettre à leur recherche, se mettre aussi à la recherche de ce « sentier praticable » au sol instable…

Pour ma part, je reste - à tort ou à raison - sur l’impression que des réseaux politico-maçonniques se sont mis une fois de plus en branle pour couvrir le responsable légal de l’équipe qui procède aux relevés sur le site du Mont Bego. Cherchera-t-on à étouffer l’affaire de ce décès malheureux et combien injuste car il jette une lumière crue sur le manque de mesures de sécurité réglementaires dans cette équipe ? Étouffer comme on l’a fait pour ce qu’on qualifie à l’étranger du « talibanisme à la française », à savoir les vandalismes commis dans une grotte sur le même site des Merveilles. Vandalismes que pourtant une enquête menée grâce au courage du magistrat Philippe Dorcet avait bel et bien mis en évidence. Étouffer aussi des découvertes passionnantes réalisées aux Merveilles pour la simple raison qu’elles aient échappé à ceux qui se considèrent comme maîtres absolus du site du Mont Bego.
La mort d’une victime innocente va-t-elle contribuer à briser ou du moins à fissurer ces carcans protecteurs qui laissent les intéressés sur l’impression de pouvoir tout se permettre ? En toute impunité…